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Hialat
Ua revista entaus occitans |
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No. 4
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ActualitatsSe parla de signar la Charte européenne...Lo primièr ministre francés declarèt que França estudiava lo cossí de signar la famosa carta. Aquí çò que ne diguèt Libération.Ensenhador |
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Par Le Avec sa bouille ronde picorée de taches de rousseur, Janig, 11ans,
ne sait pas trop à quoi lui servira de parler couramment le breton. Elle se
verrait bien prof. Ou écrivain : «On m'a conseillé de
faire un livre sur ma vie, mais pour l'instant, je n'ai pas tellement de choses intéressantes
à raconter. Et je manque encore de vocabulaire.» Ewen a le
même âge, l'air bravache : «Quand quelqu'un nous emmerde,
on lui parle en breton, il pige que dalle, c'est pratique. Pareil quand on veut pas
que les parents comprennent. Moi, les miens, ils captent un peu, pas beaucoup.»
Lui, il crache sur les voitures qui arborent un autocollant bleu blanc rouge. Sorti
de l'école, Ewen voit un avantage à son bilinguisme : comprendre
les textes des chansons. Tous sont en cinquième au Skolaj Diwan, le collège
privé en breton du Relecq-Kerhuon, près de Brest. Maths, physique,
histoire-géo, tout s'apprend en breton jusqu'au baccalauréat. Diwan
pourrait se traduire par «le moment où la pousse sort de terre». Animatrice dans ce collège où elle encadre les 53 élèves,
Morgan Ar Men, 26 ans, «Le Men pour l'état civil» concède-t-elle,
souligne une évidence : «Parler breton m'a donné du travail.»
Etudiante en maîtrise de breton, elle ne se sent pas française :
«Je n'imaginerais pas vivre avec un conjoint qui ne parle pas breton. J'ai
été élevée sans que la chaîne de transmission de
la langue n'ait été coupée. Alors si moi je ne parle pas breton,
qui le parlera ?» De la maternelle à la troisième, Florence Viol, 20 ans, a été
une pionnière de Diwan : «On était huit dans le seul
collège existant à l'époque.» Par tempérament,
elle trouve que «les militants en font un peu trop». Sa maîtrise
de la langue lui a permis d'être employée dans une librairie spécialisée.
Aujourd'hui, elle enseigne la harpe celtique dix heures par semaine au sein de deux
associations culturelles. Depuis ses études, elle a surtout parlé breton en famille. «Mes
grands-parents aussi parlent breton, mais pas avec moi. Quand ils étaient
petits, on leur tapait sur les doigts si un mot de breton leur échappait.
A l'époque, le français de la République une et indivisible
devait régner dans toutes les écoles, et les récalcitrants étaient
humiliés, un sabot autour du cou, ou à genoux sur une règle,
sous le panneau:"Défense de cracher par terre et de parler breton."
Alors, certains anciens ne veulent pas transmettre aux enfants cette langue qui
attire des ennuis.» A Brest, les lycéens en seconde à l'école Diwan sont fiers
de l'acquis d'une gymnastique linguistique et mentale qui leur permet d'apprendre
plus vite un troisième idiome, l'anglais en l'occurrence. «On passe
l'examen Cambridge en seconde, alors que d'autres le passent après le bac.
Mais on n'est pas autant américanisés que d'autres, nous on sait d'où
on vient.» Kaou, 15 ans, s'insurge contre le cliché d'une langue de vieux :
«ça évolue, il y a des mots pour les sciences, l'informatique.
Et même un dictionnaire des expressions liées au sexe.» Marion
se trouve aujourd'hui moins marginalisée vis-à-vis des autres adolescents :
«Ça devient carrément une mode de parler breton, contrairement
à il y a quelques années.» Sa copine Morwena renchérit :
«A Diwan, on doit prendre des initiatives, comme de passer les épreuves
du brevet en breton et le faire accepter à l'Education nationale.» C'est
aussi s'ouvrir sur le monde. «Au pays de Galles, en Catalogne, c'est un
peu des cousins. Et quand on vient nous parler du Cambodge, on se sent concernés.»
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«Quand quelqu'un
nous emmerde, on lui parle en breton, il pige que dalle, c'est pratique. Pareil quand
on veut pas que les parents comprennent. Moi, les miens, ils captent un peu, pas
beaucoup.» |
© 1997, 1998 Justin Lapujolada |